MA BIBLIOTHÈQUE

J'ai fait la connaissance d'une personne qui, au premier abord, me semble fort sympathique. Je vais chez elle (la personne), ce soir, pour la première fois. Petit pavillon joliment aménagé, jardin entretenu, teckel adorable, femme sophistiquée mais charmante, enfants bien élevés. Cette nouvelle amitié se présente sous des auspices des plus favorables. Mais je reste tout de même prudent. Il faut d'abord que je jette un coup d'œil à la bibliothèque. Pour moi, c'est essentiel. Quand je saurai ce que lit ce nouvel ami, je saurai pratiquement tout de lui. Rien n'est plus parlant qu'une bibliothèque.

Mais déjà, s'il n'y a pas de bibliothèque, je me méfie. L’absence de livres n’est pas bon signe. Oh, je ne demande pas la bibliothèque nationale, non. Quelques volumes sur une étagère suffisent pour que je me fasse une idée sur le personnage. Intellectuel, philosophe, engagé, passionné, écologiste, léger, profond, inconsistant, superficiel... Voilà tout ce qu'une bibliothèque peut vous révéler. Je prends ou je prends pas. Si je tombe sur les œuvres complètes de BHL, sûr que le type ne sera jamais mon La Boétie. Par contre, un exemplaire de l'Odyssée marquera la possibilité d'une belle amitié.

Eh bien, ce critère marche également dans l'autre sens. Je m’explique. J'ai chez moi quelques milliers de livres. Il y en a dans toutes les pièces, à tous les étages. Alors, quand quelqu'un me visite pour la première fois et qu'il n'a pas un regard, pas la moindre curiosité pour découvrir les volumes sur les étagères, et découvrir par la même occasion l'homme que je suis, je me méfie. Presque certain que ce n'est pas moi qui intéresse ce visiteur. Ses raisons peuvent être diverses, mais de toutes façons ne me concernent que de loin. Je reste courtois, bien sur, mais je mets le frein.