A MES FEMMES

Elle avait vingt ans de moins que moi. On m'a dit : (retenez bien le ON) « C’est de la folie. Ça ne peut pas marcher. Tu traverses la fameuse crise de la quarantaine. Te rends-tu compte que, à quelques mois près, tu pourrais être poursuivi pour détournement de mineure ? Et puis, c’est sûr que dans quelques années, peut être même quelques mois, elle va te tromper. »

En fait, c'est moi qui l'ai trompée. Je n'en pouvais plus. Je ne la supportais plus. Oh bien sûr elle était délicieuse, à croquer, gentille, cultivée. Le matin, je lui portais son petit déjeuner au lit. Puis nous faisions l'amour jusqu’à midi. Mais ce que je ne pouvais souffrir, c'était sa musique. Une véritable torture. J'étais Nat King Cole, elle était ACDC.

La suivante avait le même âge que moi. On m'a dit : (toujours ON) « Si à cet âge-là elle est encore sur le marché, c'est qu'elle doit avoir une tare, un vice caché ». Eh bien elle n'avait ni tare, ni vice caché. Mais elle avait des enfants. Insupportables les mômes. Adolescents perturbés et perturbateurs. Je l'ai quittée. Pourtant nous étions bien ensemble. Quand ses enfants étaient au bahut, nous déjeunions tous deux au lit. C'était chaud. À cet âge-là on ose tout. On connaît bien son instrument et la façon de s'en servir. Mais il y avait le retour des monstres. Musique de sauvages, décibels, vitres qui tremblent, engueulades… Nous avons repris notre route, chacun de son côté.

La suivante avait vingt ans de plus que moi. On m'a dit : (encore ON) T'es pas un peu con ? Elle pourrait être ta mère. Fais gaffe. Tu as des enfants qui ont quarante ans, des petits enfants qui en ont vingt, ils vont tous y passer. C'est une perverse ! Une dévoreuse. En fait c'est elle qui est passée. Enterrée la semaine dernière. Nous nous entendions bien pourtant. Le matin elle me portait mon petit déjeuner au lit. Et puis… (ben oui. Ça marche à tous les âges). Mais voilà, elle était Enrico Macias, J'étais Brassens ! Je n'ai pas eu beaucoup de regrets. Lai lai lai lai toute la journée, ça use.

Finalement ON m'a dit :

Ah oui, que je vous dise, ON c'est ma femme…