JACQUELINE - un premier amour

Mon premier « grand amour » s’appelait Jacqueline. Nous étions follement amoureux tous les deux. Nous avions huit ans. Ne riez pas. Ne vous moquez pas. C’était très sérieux. Les adultes ont tendance à croire qu'il y a un âge pour l'amour. C'est faux. On aime à huit ans avec la même intensité, les mêmes joies, les mêmes souffrances qu'à 75 ans (je dis 75 parce que c'est l'âge que j'ai au moment où j'écris ce texte, mais je pourrais dire 90 ou 100). J'en vois qui haussent les épaules, qui affichent un petit sourire narquois, condescendant. Eh bien je suis certain que ceux-là n'ont jamais aimé de toute leur vie. Ils ont pu se croire de temps en temps amoureux. Mais en fait ils n'auront promené dans l'existence qu'un cœur sec.

La séparation fut cruelle. Autant que celles de l'adolescence ou de l'âge mûr. Mais n’allez pas imaginer une histoire de Capulet et de Montaigu. Ici pas de Roméo et Juliette. (Encore qu'il m'arrivait parfois d'escalader un muret pour gagner la fenêtre de sa chambre – mais ce n'était que pour continuer la conversation commencée dans la journée). Seulement les enfants ne sont pas maîtres de leur destinée. Ils ne sont que suiveurs. Cette histoire dura cinq ans.

Je l'ai gardée en moi toute ma vie. Comme une frustration, comme un tableau inachevé. Comme une page destinée à un grand roman et qui serait restée blanche, Je n'ai jamais rien su de Jacqueline par la suite. Qu'est-elle devenue ? Quelle a été sa vie ? Elle doit être maintenant une jolie grand-mère. Mais j'ai toujours eu l'impression que lorsque nos chemins se sont séparés je n'ai pas forcément choisi la bonne option. J'ai dû manquer de persévérance… ou de courage.